Tout se passe aux Enfers. Comme un souvenir de bonheur. Ou une prémonition du malheur à l'intérieur du bonheur.
Espérance a mené Orphée jusqu'à la frontière ; c'est vraiment la frontière, une salle humide, une sorte de rotonde souterraine, comme dans le métro de Berlin ; le fleuve est tout près, il coule sous nos pieds, bouillonne — les égouts. L'homme reste seul ; alors le gardien esquive, avec son chien. Les Enfers, en effet (ô Tarkowski !) sont humides. Tout suinte.
À côté [des] effigies confectionnées et qui n'apparaissent que dans le rite sacrificiel, il existe de l'homme des répliques naturelles : c'est une caractéristique de l'homme que de projeter une ombre (du moins c'est l'un des traits qui le distinguent des dieux). D'autre part, l'homme laisse voir une image de lui-même dans sa pupille, et il y a identité entre cette image et celle qu'on voit dans "le soleil là-haut".
Les rois humains sont les répliques du Roi Yama [la mort] : ils en sont en quelque sorte la monnaie.
Au rez-de-chaussée ou au sous-sol d'une espèce de musée qui comporte un gymnase dans lequel jouent les enfants est installée une attrape rappelant l'attraction classique de toute fête foraine ou de parc, connue sous le nom de "Train fantôme" ; elle est dite "Le Mariage", et peut-être s'agit-il d'une sorte de jeu de massacre ? J'y entre, ouvrant une porte qui ressemble à un portant de théâtre.
Sous un dais d'aiguilles de ces steppes sablonneuses ou sur les monts chauves, un berger fabrique un jouet insolite, tâchant de poursuivre sur un objet de bois le dessin insensé qui correspond à un ensemble de gestes appliqués, rituels, exigés par le travail de la terre. Une pierre, une fleur, un vermisseau cimentent as résolution. Il tente de révéler un schéma humain, de tracer des figures libératrices ou magiques pour tout un peuple qui souffre avec indifférence une extraordinaire oppression.