[Continuité 1]

“La métaphore, c’est le souvenir de cet âge d’or où tout était tout. Un éclat brisé de métamorphose.”
Abram Tertz, Une Voix dans le chœur
(Passage des panoramas).

Je ne vois pas bien comment ça peut marcher mais très respectueux salut aux traducteurs Alfreda et Michel Aucouturier qui sont arrivés à passer du russe au français une phrase pareille.

Entre les éclats séparés se trouve le souvenir de la métaphore, le souvenir actif du tout, transformé toujours en lui-même, différent, permanent.

Puis-je renverser une réflexion de Wittgenstein…

"Si je ne puis subdiviser la ligne de façon visible, je ne peux pas non plus essayer de procéder à cette subdivision, donc je ne peux pas voir l'échec d'un tel essai. La continuité dans notre champ visuel consiste en ceci : nous n'y voyons pas de discontinuité."

… et chercher à voir la continuité, le texte uni sous les fragments, la permanence dessinée par les saillies que sont les brèves de presse ? Puis-je chercher à voir la figure humaine dans les coups de désordre ou plutôt les coups de sonde que sont les faits-divers ?

Le désordre est encore un possible : les trouble-t-il, il fait partie des lois de la probabilité. Pas le chaos. Le chaos est hors du calculable, échec à la prédiction. Et parmi ce qui fait le phénomène, sa longue, sa durable sensibilité aux conditions de sa propre origine. Voilà l’une des caractéristiques du chaos. Voilà pourquoi Œdipe est le héros du chaos. Œdipe, guide de l’exploration titubante du texte insensé qui passe sous les petits pavés sanglants.