Je ne suis pas Stiller de Max Frisch, traduit de lallemand par Solange de Lalène, Grasset, 1957. Disponible sous le titre Stiller, dans la nouvelle traduction de Eliane Kaufholz (1991) revue par lauteur.
Max FRISCH, (Zürich 1911- 1991) architecte, journaliste, romancier, dramaturge.
Un Américain, White, portant un passeport au nom de Stiller, se fait arrêter à la frontière suisse, à la suite dune altercation avec le douanier qui sobstine à le nommer Stiller alors quil répète, ce quil répètera pendant tout le roman : « Je ne suis pas Stiller ».
Roman darchitecte : superbe construction.
Le centre, Stiller, est retranché par le leitmotiv : Je ne suis pas Stiller du narrateur White alors tout le récit pousse au contraire à le confondre avec ce Stiller, artiste, disparu sans laisser dadresse, dont il reprend la vie.
Les récits emboîtés dans le journal de White sont une façon de tourner autour, de cerner exactement le disparu, Stiller, sans linéarité, sans en donner la biographie, en conservant sa disparition, son énigme et en construisant le personnage par les points de vue de ses vicitmes : épouse abandonnée, rival et désormais procureur de laffaire White puis son ami
Roman suisse.
Pas la fugue, la Fuite de Monsieur Monde (Simenon) : un homme, Stiller, quitte sa vie, disparaît ; pas le départ vers la Vita nova, lespérance, le nouveau monde : White raconte sa vie daventurier américain à son geôlier ; pas non plus lodyssée du voyage de retour ; mais le roman dun homme qui rentre dans Ma vie sans moi, pour reprendre le splendide titre dArmand Robin.
La clé de voûte :
Le très élégant passage de la reconstitution judiciaire qui consiste à confronter White à latelier de Stiller. Désolation, odeur, robinet qui fuit : le regard panoramique et étranger de White : Je nenlève pas mon manteau, nayant rien à voir ici.
Roman suisse.
Comme dans La Promesse de Dürrenmatt, lenquête est une partition, un chiffre, le sens est à interpréter, le récit approche, tente, déchiffre, essaie, erre et reprend : le récit est la recherche du sens de lenquête.
Roman suisse, affranchissement de la grâce attribuée :
Le récit de White sachève quasiment sur cette phrase, qui précède la sentence du tribunal, sentence qui restera sans appel puisque le prévenu déclare renoncer à ce droit :
Mais jai gardé de ces instants le souvenir dune prodigieuse liberté. Tout dépendait de moi. Cétait à moi de décider si je voulais continuer à vivre ou non, mais cette fois de telle sorte que ma vie pût aboutir à une mort véritable. Je le répète, tout ne dépendait plus que de moi. Je nai jamais été plus près de létat de grâce.