« Nager, broyer l'herbe, chasser…
Je reviendrai avec des membres de fer,
la peau sombre, l'œil furieux… »

Une Saison en enfer.

Rimbaud, l’héritier du chasseur noir, mythe dont nous avons oublié le récit mais dont les forces sont toujours très actives (et même virulentes, comme parasites) dans nos mentalités : la sauvagerie des garçons adolescents.

Pierre Vidal-Naquet Le Chasseur noir, François Maspero, 1981

C'est l'étude d'un usage athénien : les éphèbes sont emmenés par leur amant en forêt, c'est-à-dire au-delà de la frontière des champs cultivés et de la cité, pour quelques jours d'initiation à la chasse, avant leur entrée chez les hoplites : troupe militaire.

Pour Vidal-Naquet, l'éphèbe athénien est l'héritier du chasseur noir, mythe d'un jeune chasseur qui ne chasse pas à la loyale mais par la ruse, ce qui est une forme de trahison à la civilisation, et qui ne revient jamais de la chasse. Le chasseur noir est un éphèbe qui a échoué, dit V-N : resté du côté de la sauvagerie au lieu de réussir sa métamorphose en jeune homme civilisé. Le passage, c'est le serment d'hoplite dont V-N dit qu'il rappelle les bornes de la patrie, associées aux champs cultivés, aux oliviers, etc.

Il relie cet usage à la permanence, sous la guerre organisée, d'une guerre sauvage, une guerre du désordre, de l'exploit individuel : fureur, etc. Vidal-Naquet en fait une clé de lecture de Xénophon qui conseille l'apprentissage de la chasse aux soldats.

Rimbaud, héritier du chasseur noir, disparaît…

…et devient trafiquant d’armes. Je me demande s’il faut considérer cette disparition comme l’échec ou comme la réussite de son intégration dans la sphère de la guerre civilisée.