Voici le prologue ou plutôt louverture du très grand
Une voix dans le chur, dAbram Tertz,
pseudonyme dAndré Siniavski, auteur et critique littéraire soviétique, arrrêté en 1965, avec son traducteur Daniel, pour avoir publié à létranger sous les noms dAbram Terz et de Nicolas Arjak des uvres qui calomniaient le régime soviétique. De ses courriers à sa femme, au cours des sept ans de son internement en Mordovie, Siniavski construira les sept chapitres de ce livre, à la fois journal personnel, souvenirs de lectures et composition littéraire, daté de juin 1971, ©1973, traduit en français par Alfreda et Michel Aucouturier pour les éditions du Seuil, 1974, où le lead dune voix, celle de lauteur, appelle, rappelle et celles des détenus anonymes qui composent le chur sage et burlesque du camp.
Credo
dans ce travail choral, la route à suivre, dans ce prologue, le point exact du cap à tenir
... Un livre qui va et qui vient, qui avance et recule, qui tantôt sapproche du lecteur jusquà le toucher, tantôt le fuit et coule comme un fleuve, allant arroser de nouvelles contrées, de sorte quemportés par son courant, la tête bientôt nous tourne à force dimpressions, celles-ci cependant sécoulant avec suffisamment de lenteur pour nous laisser le loisir de les contempler en paix et de les suivre des yeux ; un livre qui aurait une multitude de sujets mais un seul tronc ; un livre qui pousserait comme un arbre, enserrant lespace de sa masse indivise de feuillage et dair de même que les poumons ont la forme dun arbre renversé ; un livre capable de respirer, sélargissant presque à linfini et tout aussitôt se resserrant en un point dont le sens est impénétrable comme lâme en son ultime noyau.
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