L'étymologie du verbe le dit, décider, c'est couper, c'est retrancher. Plus sûrement que ce qui sera conservé, décider, c'est choisir ce qui sera détruit. Nous aurons à signer ce que nous supprimons de l'existence et ce que nous ne faisons pas être, en décidant comme en ne décidant pas, puisque ne pas décider, c'est agir, dans un monde où le temps l'emporte sur tout. Mais c'est agir sans débat. Quel que soit leur objet explicite, nos débats portent sur cette question sous-jacente : que choisissons-nous de détruire ? C'est-à-dire qui choisissons-nous de supprimer ? Puisqu'il n'y a pas de cause sans hommes.

     Eh bien, c'est notre petit jardin mental, gardé par notre étroitesse de vue, clôturé par nos illusions, qu'il nous faut avoir l'intelligence de vouloir détruire ; c'est notre propre monde, afin d'en favoriser la métamorphose par des décisions qui donneront ses chances à la fertilité, et que nos successeurs n'aient à concevoir aucune nostalgie mais puissent mesurer le bonheur d'être né de leur temps plutôt que du nôtre.