Le principe de discontinuité (Gilbert Sorrentino) #4
Gilbert Sorrentino en français

     Le Ciel change, 1966, traduit par Philippe Mikriammos, Les Belles Lettres, 1991.
Traduit de l’américain par Bernard Hœpffner* avec la collaboration de Catherine Goffaux.

      Steel work, 1970, — * Cent pages, 2010
est un recueil de vignettes, chacune expose, sur une ou deux pages, la séquence portrait d’un jeune homme, à tel moment puis tel autre d’une période d’une quinzaine d’années entre 1937 et 1951. Cet ensemble en mouvement forme le personnage du roman : les garçons de Brooklyn.

      Red le démon, 1975 — Christian Bourgois, 1996, * Cent pages, 2010
raconte, séquence par séquence, les moments clé de l’enfance puis de l’adolescence de Red, recueilli, avec sa mère sans travail, chez son pépé taciturne et surtout chez sa mémé, qui fait de Red l’objet de sa tyrannie. La méfiance de Sorrentino vis à vis du discours s’incarne dans le personnage de la mémé de Red, personnage le plus mauvais de toute la littérature internationale, dont la perversité aiguë repose sur le mensonge, sur la permanente propagande de bonté dont elle masque son sadisme. Pas plus de sentimentalisme ici que dans tout autre roman de Sorrentino. Red est violent, dégueulasse, formé à cette perversité dont il apprend à désamorcer les effets en se déshumanisant.

     Mulligan Stew, 1979, — * Cent pages, 2007
est le roman le plus irlandais de l'américain Sorrentino, variation carnavalesque sur Finnegan's Wake, hommage à Flann O'Brien dont il reprend les personnages et la structure échevelée, libre, flamboyante du désopilant At swim two birds, et formidable terrain de jeu littéraire, qui chahute le lecteur entre des correspondances vachardes, une pièce de théâtre baroque, des listes et jubilantes fatrasies, des chapitres d'un roman en cours d'écriture, des commentaires des personnages de ce roman, mutinés contre leur auteur médiocre et plein d'illusions sur sa littérature ou génial et profondément dépressif, paranoïaque ou quichottesque, dont Sorrentino, en jouant de toutes les façons possibles de l'instrument littérature et de son répertoire de formes et de niveaux de connivence avec le lecteur, croque le portrait caricatural et la terrible lutte contre le découragement. Il faut lire Mulligan Stew à la fois comme un autoportrait pathético-burlesque, de l'auteur en écrivain désenchanté, à la fois comme une geste irlandaise dont les personnages sont des figures que toutes les légendes empruntent.

     La Folie de l'or, 2001, — * Cent pages, 2010
est un western entièrement rédigé en phrases interrogatives et rongé de digressions, manifestations cocasses de l'incertitude existentielle de trois jeunes chercheurs d'or, munis d'une carte qui n'est elle-même qu'une fiction.

      Petit Casino, 2002, — Actes sud, 2006
commence par une vanité : une série de photos, qui ont le point commun de montrer, au beau milieu de la vie, un regard fixé sur la mort. Et c’est ce qui circule entre les textes de ce livre, ce point de fixité, ce déjà trop tard glissé dans le cœur palpitant de l’espoir, c’est-à-dire du vivant.

     La Lune dans son envol, 2004, — Actes sud, 2009

     Des scènes de la vie de couples. Voilà un thème suffisamment ouvert pour expérimenter tous les styles et tous les dispositifs narratifs. Chez Sorrentino, ces brefs récits finissent par composer des variations sur la vie d’un couple abstrait, idéal type de la petite bourgeoisie américaine, dans sa jeunesse, dans ses désarrois, ses désillusions précoces, ses défaites consommées. Chaque texte est un dyptique composé du récit et de son commentaire, ironie d'un auteur de statut indéfinissable qui laisse apparaître les choix arbitraires de son récit, note d'atelier d'écriture sur la facture du texte, rectificatif d'une secrétaire ou autre remarque de rhétorique, accent porté sur la fabrication du texte et expression d'un point de vue à distance immense des espoirs minuscules qui agitent ces petits hommes.

Voir :
http://atheles.org/centpages

;En préparation :
Gilbert Sorrentino, Aberration of Starlight, 1980.

     Voir le site de Bernard hœpffner
http://wvorg.free.fr/hoepffner/spip/

De Gilbert Sorrentino

     "…nous ne saurons pas grand-chose de plus que ce que nous livrent ses récits, sauf peut-être qu'il naquit l'année du Jeudi Noir dans la plus prodigieuse cour des miracles new-yorkaise : Brooklyn, dans lequel il grandit pour ainsi dire vers le bas, mais grandit quand même, Brooklyn dont il devint les yeux et les oreilles, le chantre et le scribe, au point d'en faire son personnage de fiction favori."

Voir le bel article de Camille Decisier dans Le Matricule des anges :
Article paru dans le N° 113 Mai 2010
http://www.lmda.net/din/tit-lmda.php?Id=64073

     "Gilbert Sorrentino (Brooklyn, 1929 / Brooklyn, 2006) est l’auteur d’une vingtaine de livres (romans, critiques, poésie). Il n’a de cesse d’observer les communautés laborieuses issues de l’immigration (Irlandais, Italiens, Polonais, Noirs, etc.). Sous la pression des crises économiques et des guerres, les familles éclatent, se paupérisent, les liens de solidarité se défont et tout devient prétexte à violences : entre sexes, entre religions, de parents à enfants… la liste serait longue. Chaque roman est l’histoire d’une lente déstructuration de l’humanité chez chacun des personnages. S’il est peu connu en France, c’est sans doute parce qu’il fait partie de ces écrivains qui ne correspondent pas à l’image « exotique « que les Français se font de la littérature américaine : bien que son œuvre soit en partie plongée dans le Brooklyn de son enfance dont il sait si bien faire revivre la langue, elle est également très proche de la culture européenne et de certaines recherches formelles (Raymond Roussel, Oulipo).

     "Il a lui-même énuméré ses propres nécessités artistiques : « Un souci obsessionnel de la structure formelle, une aversion pour la répétition de l’expérience, l’amour de la digression et de la broderie, un immense plaisir à donner des informations fausses ou ambiguës, le désir d’inventer des problèmes que seule l’invention de nouvelles formes peut résoudre, et la joie de faire une montagne de rien. »

http://www.atheles.org/centpages/horscollection/salmigondis/

Né en 1929 à Brooklyn où il est décédé en 2006, Gilbert Sorrentino, qui enseigna à Stanford pendant vingt ans, a publié une oeuvre de fiction et de poésie de toute première importance, dont le célèbre Mulligan Stew, paru en France sous le titre Salmigondis (éditions Cent Pages, 2006). Petit Casino, son dernier roman, publié par Actes Sud en 2006, a été finaliste du Pen Faulkner Award 2003."
http://www.actes-sud.fr/contributeurs/sorrentino-gilbert


1 - 2 - 3 - 4